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Leurs questions, nos réponses

A. Dispositions de fond relatives à la protection des investissements

Les dispositions relatives à  la protection des investissements ont été encouragées de manière trompeuse par certains gouvernements comme un outil de stimulation des flux d’investissements des pays développés vers les pays en voie de développement. Leur efficacité est fortement contestée. 
La forte interdépendance économique des Etats-Unis et de l’Union européenne est une preuve irréfutable qu’il n’existe aucun besoin d’une politique de promotion des investissements telle que l’accord TAFTA/TTIP.  Les législations nationales des Etats-Unis et de l’Union européenne fournissent déjà un cadre de traitement équitable et approprié. C’est pour cela qu’il n’est aucunement nécessaire d’avoir un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats (RDIE), d’autant moins que le système de tribunaux arbitraux privés échappe actuellement à tout contrôle.

Question 1 : champ d’application des principales dispositions relatives à la protection des investissements

Je m’oppose fondamentalement aux dispositions relatives à la protection des investissements dans l’accord TAFTA/TTIP, car :

  • Les législations des Etats-Unis et des Etats membres de l’Union européenne garantissent déjà à leurs citoyens et leurs entreprises, ainsi qu’aux entreprises étrangères, la protection de leurs investissements. Les Etats-Unis et l’Union européenne disposent de règles de droits et de cultures juridiques solides. Le droit de propriété, l’égalité de traitement sont des concepts ancrés au cœur de leurs systèmes juridiques. Les dispositions relatives à la protection des investissements avantageraient les investisseurs étrangers par rapport aux investisseurs nationaux.

Je m’oppose au champ d’application des dispositions relatives à la protection des investissements dans l’accord TAFTA/TTIP :

  • Il n’y a aucune définition claire et précise qui permette de différencier les investissements étrangers durables - et les investisseurs eux-mêmes -, des autres formes d’investissements comme les investissements spéculatifs. La possibilité subsiste que des recours abusifs et infondés aient lieu.
  • Rien n’est entrepris pour trouver un juste équilibre entre droits et devoirs des investisseurs.
  • Le nouveau texte sur les dispositions relatives aux investissements laisse à l’appréciation de trois juges intéressés financièrement - et qui n’ont aucun compte à rendre -  de décider de la manière d’appliquer ces dispositions, sans qu’aucune possibilité de faire appel du jugement ne soit prévue.

L’inclusion du mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats dans l’accord TAFTA/TTIP équivaut à introduire un traitement discriminatoire en faveur des investisseurs étrangers, en vertu duquel il est laissé à l’appréciation de trois juges intéressés financièrement et qui n’ont aucun compte à rendre, de décider ce qui constitue une discrimination. Cela n’est absolument pas nécessaire, puisque les systèmes juridiques nationaux des différentes parties à l’accord TAFTA/TTIP reposent sur l’égalité de traitement et la non-discrimination. De plus, la discrimination positive des investisseurs étrangers mettrait fin à la concurrence loyale qui existe actuellement entre les investisseurs nationaux et étrangers, sans fournir aucune sécurité pour l’application d’exceptions règlementaires, par exemple dans des domaines comme l’aide ou les marchés publics.

Question 2 : traitement non-discriminatoire des investisseurs

Je m’oppose à la proposition de la Commission en ce qui concerne la clause de la nation la plus favorisée ainsi qu’à son inclusion dans l’accord car :

la formulation proposée n’exclue pas l’ « importation de clauses », d’autres dispositions de procédure et de fond d’accords bilatéraux de protection des investissements déjà existants. Ainsi tous les efforts de réforme par la Commission européenne en vue d’obtenir une plus grande sécurité juridique, en clarifiant les définitions et au moyen de normes plus précises, sont rendus inutiles.

La disposition relative à un traitement juste et équitable est un des aspects les plus dangereux du mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats, et une des raisons de réclamer l’abandon de ce mécanisme dans sa globalité. Le traitement juste et équitable est la clause sur laquelle le mécanisme de règlement des différends s’est le plus appuyé. Comme le concède la Commission elle-même, cette disposition a été utilisée de manière abusive, comme moyen d’accès aux tribunaux pour des plaintes douteuses contre des règlementations et des procédures qui avaient été mises en place démocratiquement dans l’intérêt général.

Question 3 : Traitement juste et équitable

Je m’oppose à l’ajout de la clause de « traitement juste et équitable » dans l’accord TAFTA/TTIP car :

  • Les investisseurs étrangers et leurs droits fondamentaux sont dûment protégés de tout traitement arbitraire, injuste, offensant ou autrement inacceptable, de la même façon que le sont les investisseurs nationaux. Avec la clause de « traitement juste et équitable », les états prennent effectivement ce qu’on appelle un « engagement de stabilisation » par rapport aux investisseurs, s’engageant à ne prendre aucune mesure susceptible de désavantager ces derniers, sous peine de se voir poursuivis.
  • La Commission a  déclaré que le texte proposé relatif au traitement juste et équitable est définitif, c’est en réalité fortement contestable, car le texte proposé associe à une liste arrêtée, des formules non restrictives et peu précises. Cela laisse donc aux arbitres le soin d’interpréter ce qui constitue un traitement juste et équitable – ainsi que ce qui enfreint ce principe – et donne la possibilité aux droits des investisseurs de limiter les droits des gouvernements à règlementer dans l’intérêt général.
  • Pour finir, le texte prévoit que « le contenu de l’obligation de fournir un traitement juste et équitable sera revu régulièrement par les parties, ou à la demande d’une partie». Cela signifie que la définition pourrait à l’avenir être élargie. Cela entraîne une situation d’incertitude, tout en laissant dans le vague la forme que prendrait ce processus d’élargissement.

Les dispositions privilégiées relatives à l’expropriation permettent aux arbitres d’interpréter et de décider quelles mesures prises par un état souverain constituent, selon l’accord, une violation de l’obligation contractuelle. Cela est inacceptable et permet aux investisseurs de contester juridiquement un grand nombre de mesures règlementaires d’intérêt général (y compris, mais sans s’y limiter, des dispositions relatives aux salariés, la santé, l’environnement, qui pourraient être considérées comme des expropriations indirectes). Qui plus est, l’obligation de payer des compensations pour cause d’ « expropriation indirecte », limite de façon importante la liberté et les droits des citoyens et des parlements, alors que des sommes exorbitantes doivent être payées comme compensations avec l’argent des contribuables.

Question  4 : Expropriation

Je m’oppose à l’octroi de droits spéciaux relatifs à l’expropriation et l’expropriation indirecte à des investisseurs étrangers, dans le cadre de l’accord TAFTA/TTIP, car :

  • Dans le cas d’expropriation directe – et dans certaines circonstances, d’expropriation indirecte -, les systèmes juridiques européen et états-unien prévoient le paiement de compensations pour les investisseurs et citoyens nationaux et – de la même manière – les investisseurs et citoyens étrangers.

Soumettre les choix de politiques publiques à l’examen d’arbitres privés est irresponsable. Selon le texte de référence fourni par la Commission européenne, les Etats seront contraints de se conformer au test de nécessité mené par les arbitres. Il est accordé à ces derniers un pouvoir excessif pour interpréter les dispositions de l’accord, en particulier pour décider :

  • quelle mesure est ou n’est pas « d’utilité publique », prenant ainsi dangereusement le dessus sur les prérogatives à légiférer de l’Etat ;
  • de ce qui est « manifestement excessif », ou si une mesure sert à protéger des objectifs légitimes en faveur du bien-être public, comme la santé, la sécurité ou l’environnement.

Le mécanisme de règlement des différends permet à des investisseurs privés et qui ne sont pas partie à l’accord, de mettre à l’épreuve - par l’intermédiaire d’un tribunal arbitral privé - la légitimité de règlementations publiques prises par des gouvernements démocratiquement élus. La seule mention du droit de réglementer, dans le chapitre dédié à ce mécanisme dans le projet de traité, n’est en rien suffisante pour garantir ce droit, et encore moins pour empêcher que les entreprises ne se lancent dans de coûteuses poursuites contre les Etats. De fait,  l’interprétation de ce qui est conforme au  droit des Etats à règlementer, sera confiée à des arbitres intéressés financièrement ; ce qui est totalement inacceptable.

Question 5 : garantir le droit de règlementer et la protection des investissements

Je m’oppose fondamentalement au fait que la protection des investissements soit placée au-dessus du droit des Etats souverains à règlementer, car :

  • La mise en place d’une législation votée à partir d’un processus de vote démocratique (processus décisionnel démocratique et parlementaire) et qui donc reflète l’intérêt public et la volonté de millions de citoyens, doit toujours peser plus que les intérêts particuliers du secteur privé.
  • Les libertés économiques ne doivent pas limiter les droits sociaux et humains fondamentaux.

Je rejette les projets de propositions en particulier parce que :

  • Le texte ne mentionne le droit de réglementer que dans le préambule, ce qui n’est aucunement contraignant. L’ordre constitutionnel fondamental et la liberté du législateur se trouvent limités, ce qui restreint de manière considérable la capacité potentielle des gouvernements d’intervenir pour répondre de façon adaptée aux futurs défis socio-politiques ;
  • La formulation des exceptions n’est pas assez précise pour assurer avec certitude que les Etats seront exemptés du paiement de compensations monétaires, même dans le cas où l’existence d’exceptions éviterait qu’ils aient à abroger une mesure. Les objectifs d’intérêt général ne sont pas exclus du champ d’application des dispositions relatives à la protection des investissements (« carve out » ou dérogation) et aucune clause spécifique régissant ce problème n’est incluse.
  • Les objectifs de bien-être public mentionnés par la Commission européenne sont définis de façon trop étroite et n’incluent pas par exemple, les droits des salariés, les droits sociaux, les droits humains, l’éducation,  les soins, la régulation des marchés financiers, les politiques régionales, industrielles ou fiscales. Il s’agit d’une autre menace pour le droit de règlementer.

B. MÉCANISME DE RÈGLEMENTS DES DIFFÉRENDS ENTRE INVESTISSEURS ET ETATS (RDIE)

Le Règlement des différends entre investisseurs et Etats (RDIE) est un mécanisme discriminatoire, qui favorise les investisseurs étrangers par rapport aux nationaux et leur garantit des privilèges spéciaux qui sont refusés à toute autre composante de la société, sans même exiger- en contrepartie - que leur responsabilité soit engagée. Ce mécanisme permet aux firmes, lorsqu’elles sont mécontentes des conséquences que certains changements règlementaires peuvent avoir sur leur potentiel d’investissement (y compris sur les bénéfices escomptés), de court-circuiter  les systèmes judiciaires existants et de poursuivre les Etats par l’intermédiaire de tribunaux privés, dirigés par des arbitres intéressés financièrement. Ce mécanisme sape le droit des Etats à règlementer et se caractérise par une situation de conflit d’intérêts fondamentale des arbitres.

Améliorer la transparence du mécanisme RDIE ne règlera en rien ses vices fondamentaux, et ne le rendra pas acceptable non plus. Indépendamment de cela, l’amélioration proposée ne permettra pas une transparence suffisante et complète, car il sera laissé au soin des tribunaux arbitraux de « déterminer s’il y a nécessité de protéger des informations confidentielles ou des secrets d’affaires ». De toutes façons, les objectifs de transparence et d’ouverture au public seraient bien mieux servis si les différends étaient traités dans les tribunaux de justices existants.

Question 6 : La transparence dans le RDIE

Je m’oppose fondamentalement au mécanisme de règlement RDIE, car :

  • Aucun droit privilégié ne devrait jamais être accordé à des investisseurs étrangers.
  • Les tribunaux - et non pas des arbitrages ad hoc et privés - sont et doivent être responsables de la résolution des conflits. La procédure doit se dérouler publiquement et non pas à huis clos.
  • Le mécanisme de règlement des différends permet aux investisseurs de socialiser leurs risques, ce qui rend les contribuables responsables de couvrir les risques pris par les entreprises. 

Les efforts déployés pour empêcher plusieurs plaintes en parallèle ne résolvent pas le problème fondamental du mécanisme de règlement des différends, en particulier l’octroi du privilège de pouvoir contourner les voies de recours existantes aux investisseurs, sans aucune exigence de responsabilité de ces derniers en retour.

Question 7 : Recours multiples et rapport avec les tribunaux nationaux

Je m’oppose fondamentalement à la privatisation du système judiciaire (RDIE) en faveur d’un groupe privilégié d’investisseurs étrangers car :

  • Dans les démocraties et Etats constitutionnels développés, les investisseurs étrangers jouissent de l’égalité de traitement.
  • Un processus d’arbitrage ad hoc et privé abolira les conditions équitables existantes entre investisseurs nationaux et étrangers.
  • Les modifications proposées n’exigent pas des entreprises qu’elles aient d’abord recours aux tribunaux nationaux, au lieu de se tourner directement vers un tribunal arbitral privé. Le mécanisme RDIE donnerait aux investisseurs étrangers des droits privilégiés pour déposer un recours, droits dont ils feront sans aucun doute usage.
  • Le système d’arbitrage privé échappe fondamentalement à tout contrôle et ne peut être régulé au moyen de recommandations.

Pour ce qui est des propositions relatives à la médiation, rien ne dissuade les entreprises d’utiliser le mécanisme de règlements des différends, étant donné qu’il n’y a aucune obligation pour les investisseurs de recourir à la médiation avant l’arbitrage.

Pour les cabinets d’avocats et les arbitres individuels, le dépôt de plaintes contre les mesures règlementaires des Etats, est devenu une industrie très lucrative qui ne peut pas être régulée grâce à de simples recommandations. Qui plus est, les modifications relatives à la conduite des arbitres que propose la Commission européenne sont insuffisantes pour résoudre le problème. Quoi qu’il en soit, le Code de conduite proposé pour les arbitres n’est actuellement pas disponible aux fins de commentaires. Par ailleurs, les enseignements tirés du travail sur les codes de conduites de la Commission ont été peu satisfaisants et ont provoqué de sérieuses réclamations de la part de la société civile.

Question 8 : Ethique, conduite et qualifications des arbitres

Je m’oppose fondamentalement à ce que soit accordé un mécanisme de règlement des différends à un groupe privilégié d’investisseurs issus de pays avec un solide état de droit, car :

  • Le texte proposé par la Commission ne fait que mentionner des projets d’introduction d’un Code de conduite. Tant que ce code n’est pas finalisé, je ne peux le commenter.
  • Les modifications proposées par la Commission européenne et concernant l’éthique, la conduite et les qualifications des arbitres ne sont que des recommandations, sans aucune obligation, ni pour les plaignant ni pour les arbitres, de s’y tenir.
  • Aucune réforme du système actuel n’est possible, étant donné ses failles inhérentes, que ce soit son orientation de base visant à ne protéger que les droits des investisseurs ou encore le fait qu’il est régi par des arbitres intéressés financièrement, payés à l’heure et qui peuvent être en situation de conflit d’intérêts.

Avec les propositions actuelles de la Commission européenne, des cas comme celui de Philip Morris contestant la tentative par l’Australie d’introduire une législation anti-tabac, ou celle de Lone Pine Resources, contestant le moratoire sur la fracturation hydraulique introduit par précaution par le Québec, seraient toujours possibles. Selon le texte, les plaintes qui peuvent être facilement rejetées sont uniquement celles qui n’ont aucun fondement légal. Les propositions prévoient de laisser aux arbitres le soin de définir ce qui est abusif ou non.

Question 9 : réduire le risque de recours abusifs et infondés

Le simple fait que l’Union européenne ait à se protéger de poursuites malintentionnées et infondées montre combien le système existant est inapproprié. Ceci renforce ma détermination à m’opposer à l’incorporation d’un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats dans l’accord TAFTA/TTIP.

  • L’Etat n’a rien à retirer de ces litiges, mais doit cependant défendre devant des arbitres, des mesures légitimes et démocratiques, qui sont prises dans l’intérêt général.
  • Les coûts de l’arbitrage sont exorbitants – en moyenne de 6 à 8 millions de dollars – ce qui a développé le système en une industrie très lucrative pour les cabinets d’avocats. Mais ce sont les contribuables qui doivent payer l’addition pour ces coûts prohibitifs.

La proposition de la Commission d’un système de filtrage spécifique des plaintes pour le mécanisme RDIE est la confirmation que ce dernier est dangereux et ne peut être régulé.

Question 10 : Autoriser le maintien d’un recours (filtre)

Je considère que le mécanisme RDIE ne doit pas être inclus dans l’accord TAFTA/TTIP et également que les mécanismes de filtrage sont inappropriés.

  • Ces propositions n’assurent en aucun cas une règlementation satisfaisante des marchés financiers.
  • Les plaintes en cours, en particuliers celles visant Chypre et la Grèce, confirment à quel point les dispositions relatives à la protection des investissements sont utilisées abusivement par les spéculateurs financiers au détriment de l’intérêt général. En fin de compte, elles menacent jusqu’à la stabilité financière et économique de l’Union européenne.

La structure fondamentale du mécanisme RDIE est vouée à introduire de l’incertitude dans l’interprétation des accords commerciaux. En effet, celui-ci autorise les entreprises à déposer des recours qu’un panel de trois arbitres privés devra interpréter, sans avoir à rendre de compte publiquement, ni aux parties ni à leurs citoyens respectifs.

Question 11 : Indications à fournir par les parties (l’UE et les États-Unis) sur l’interprétation de l’accord

Ce mécanisme devrait être abandonné dans sa totalité car :

Je reste convaincu(e) que les effets négatifs des dispositions relatives à l’investissement ne peuvent être atténuées, ni par des notes interprétatives ni par des interprétations de l’accord. En effet, les enseignements que l’on peut tirer des processus d’arbitrage montrent que ces recommandations ne sont absolument pas contraignantes pour les tribunaux arbitraux ad hoc et privés, et que, pour cette raison, le mécanisme RDIE doit être abandonné dans sa totalité.

La notice qui accompagne la consultation de la Commission indique que « l’UE vise à introduire dans le Partenariat transatlantique un mécanisme d’appel qui permettra un contrôle juridictionnel des décisions des tribunaux de RDIE ». Mais cela ne nous donne aucune certitude quant à sa mise en place effective.

Question 12 : Mécanisme d’appel et cohérence des décisions

Comme je m’oppose à toute privatisation de la justice, je ne vois aucune raison de débattre des mécanismes d’appel.

Appréciation générale

Quelle est votre appréciation générale de l’approche proposée s'agissant des règles de fond en matière de protection et du RDIE comme base de négociation sur les investissements entre l’UE et les Etats-Unis ?

Le mécanisme RDIE est par nature, un système vicié et anti-démocratique qui accorde aux investisseurs étrangers, sans qu’aucune responsabilité ne soit exigée d’eux en contrepartie, des privilèges dont ne jouit aucun autre secteur de la société. Il permet aux investisseurs de contourner les tribunaux existants. Par ailleurs, le mécanisme RDIE sape le droit des gouvernements à règlementer : il a un fort effet dissuasif sur ces derniers, étant donné que la moindre menace de paiement de compensations massives les poussera à affaiblir, retarder ou même stopper toute nouvelle réglementation d’intérêt public. Les réformes proposées par la Commission à travers cette consultation ne répondent aucunement à mes inquiétudes. Ce mécanisme est particulièrement inutile dans le contexte de l’accord Etats-Unis/Union européenne, comme il l’est aussi dans tout autre accord.

Y a-t-il d'autres voies que l’UE pourrait suivre pour améliorer le système d’investissement?

Je rejette catégoriquement la privatisation de la justice et je suis convaincu(e) que le mécanisme RDIE devrait être exclu de l’accord TAFTA/TTIP. Les investisseurs peuvent – et devraient être obligés de - faire appel aux tribunaux nationaux. Pour une cohérence et une prédictibilité accrues, le mécanisme RDIE devrait être également exclu de l’accord commercial entre le Canada et l’Union européenne, ainsi que de tout autre accord de libre-échange négocié par l’Union européenne.

Souhaiteriez-vous évoquer d’autres questions en relation avec les thèmes couverts par le questionnaire?

Avant tout, je voudrais exprimer mes profondes inquiétudes quant au degré de complexité et au niveau technique particulièrement élevés de ce questionnaire. Si une consultation demande la participation de la société civile et des citoyens, et s’il s’agit d’une tentative honnête de le faire, des citoyens non experts devraient pouvoir apporter leur contribution.  Ce n’est absolument pas le cas de cette consultation.  En effet, il m’a fallu attendre jusqu’à cette question pour avoir enfin la possibilité de dire que je ne veux aucun mécanisme RDIE, que ce soit dans l’accord TAFTA/TTIP ou dans tout autre accord commercial. De plus, des obstacles techniques pour remplir seulement une partie du formulaire, ou pour répondre par fax ou e-mail altèrent fondamentalement le caractère « public » de cette consultation.

Je juge aussi sévèrement le fait que ni les dispositions relatives aux investissements ni les documents de négociations ne sont publiés intégralement. Au-delà de la protection des investissements, les négociations touchent à de nombreux autres secteurs sensibles, comme les droits et la protection des salariés, de l’environnement, de la santé, la protection des consommateurs, les règlements concernant les services publics, les problèmes liés à la durabilité environnementale, etc. Même pour des experts, il est donc impossible d’évaluer sérieusement les dispositions relatives à la protection des investissements, tout autant que  de débattre publiquement de ce qui est réellement sur la table des négociations.


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